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Publicly Available Published by De Gruyter December 1, 2020

Variations sur les expressions figées : quelle(s) traduction(s) chez les apprenants?

  • Raluca Nita and Ramón Martí Solano
From the journal Yearbook of Phraseology

Abstract

This paper analyses the translations that French undergraduate students come up with when they are to deal with fixed expressions (FEs) in English that have been modified morphologically, syntactically, lexically or semantically. FEs in English are not always used in their canonical form and are often modified in the media for contextualization purposes or stylistic reasons. They can be modified by lexical substitution, lexical insertion and by lexical and semantic inversion resulting in distinct expressions with a different sense.

The paper reveals the sources of mistranslation and the pedagogic means to deal with them based upon this specific type of translation exercise. Two types of FEs are taken into account: FEs in the target language sharing all or parts of the lexical constituents with those in the source language and FEs with no direct equivalent in French. The study can also have a more general impact on translation methodology as a whole: mistranslation analysis of FEs demonstrates the difficulties students have in recognizing and/or in adapting the translation of FEs according to their modification and their context. Translating FEs could therefore be used as a first methodological step in initiating students to the specific problems of translation as a whole.

Introduction

Les expressions figées (EF) représentent un véritable défi pour la traduction au niveau à la fois de la reconnaissance de l’unité des termes qui la composent et de la compréhension du sens figuré qu’elles véhiculent. Excepté les rares cas de transposition directe d’une langue à l’autre, dans la vaste majorité des cas, l’équivalence dans la langue d’arrivée ne peut s’établir que par le biais d’un changement de point de vue soit en identifiant l’EF correspondante dans la langue d’arrivée soit en ayant recours à une explicitation ou démétaphorisation. La réussite de la traduction fait donc intervenir la compétence phraséologique[1] des traducteurs, autant dans la langue de départ que dans la langue d’arrivée.

Une difficulté supplémentaire s’ajoute lorsque ces expressions ne sont pas employées dans leur forme canonique, mais sont soumises à diverses variations pour une actualisation en discours qui peut aller du changement de catégorie grammaticale à la modification des éléments internes pour un effet de jeux de mots, ce qui est très fréquent en anglais, particulièrement dans le discours journalistique (Moon 1998 : 121). Défigées et soumises à variation, leur interprétation et traduction nécessitent l’enchaînement de différents procédés de réflexion logique, intralinguistique et interlinguistique : la compréhension de l’expression initiale, les mécanismes et l’effet de sa variation en contexte et, enfin, la transposition la plus adéquate dans la langue d’arrivée.

Nous partirons d’une présentation des phénomènes de variation phraséologique, envisagerons ensuite la problématique spécifique de la traduction de ce type d’expressions et analyserons enfin, par rapport à ces paramètres, les démarches et les choix de traduction des étudiants afin d’essayer d’identifier les éléments qui peuvent expliquer la réussite ou l’échec de leur traduction.

1 Mécanismes de la variation phraséologique

La référence simultanée à deux phénomènes antithétiques - les EF et la variation - peut paraître paradoxale. Or le concept de « figement », traditionnellement associé aux locutions et aux expressions figurées d’une langue, n’est plus appliqué de façon immuable à la phraséologie. Le caractère intrinsèquement instable des unités phraséologiques fait désormais partie de leurs caractéristiques au même titre que la polylexicalité ou l’idiomaticité (Sinclair 2004 : 30).

La forme canonique (ou citationnelle) des EF est communément répertoriée dans les dictionnaires unilingues, bilingues et dans les dictionnaires des expressions et locutions (Dictionaries of Idioms en lexicographie anglophone). La variante lexicalisée de la forme canonique d’une unité phraséologique est la forme de cette même unité qui occupe la deuxième place dans l’entrée des dictionnaires ou qui y apparaît entre parenthèses. Elle fait partie du lexique réel de la langue au même titre que la forme canonique. La variation peut porter, entre autres, sur la substitution du constituant nominal, comme dans go for the jugular (ou throat), ou du constituant verbal, comme dans lift (ou raise) a finger et même sur la présence ou l’absence d’une particule, comme dans carve (out) a niche, ou d’un adjectif, comme dans cut the (umbilical) cord.

Les exemples que nous avons choisis[2] pour notre étude ne sont pas répertoriés dans les dictionnaires consultés par nous ou par les étudiants. Leur écart par rapport à la forme canonique est plus ou moins grand, mais celle-ci peut dans chaque cas être récupérée à partir de l’usage d’un dictionnaire généraliste par le biais de recherches plus ou moins poussées selon la modification en jeu.

1.1 Les variantes lexico-grammaticales

Les variantes non lexicalisées des EF peuvent être le résultat de modifications lexicales ou grammaticales, comme illustré dans certains de nos exemples.

L’insertion d’un constituant externe à l’expression est un procédé stylistique assez courant dans la presse anglo-saxonne. Il s’agit souvent d’adjectifs ou de groupes nominaux à fonction adjectivale (Martí Solano 2011 : 394–399) placés devant un nom à l’intérieur de l’EF : to turn back the clock > (11) to turn back the moral clock ; to bang the drum > (3) to bang the human rights drum.

Ce type de modification ne présente pas de difficulté particulière pour les processus d’interprétation, à condition que l’expression initiale soit connue. La variante reste transparente car l’insertion lexicale comporte un ajout d’information à la signification globale de la séquence figée.

De même, la passivation d’une séquence verbale figée, lorsque celle-ci est idiomatiquement possible, n’entrave pas la lecture non-compositionnelle de cette variante grammaticale, comme en (12) a circle that seemingly cannot be squared dérivé de to square the circle. C’est également le cas des nominalisations des EF, comme (5) belt-tightening dérivé de la locution verbale to tighten one’s belt.

L’adjectivation d’une EF peut en revanche poser des problèmes de décodage, surtout si l’un ou plusieurs de ses constituants ont été élidés dans la transformation finale. C’est le cas de la locution adverbiale off the top of one’s head qui donne lieu au composé syntagmatique à fonction adjectivale (10) top-of-the-head.

Enfin, l’accumulation dans une même actualisation discursive de plusieurs procédés de variation en plus d’un défigement sémantique peut rendre le décodage extrêmement problématique. La suite have his blond feathers ruffled (13) exemplifie ce type de difficulté : le have causatif, l’insertion de l’adjectif blond, avec la référence concrète à la couleur des cheveux du protagoniste, et la passivation de la forme canonique ruffle somebody’s feathers donnent lieu au défigement du sens non-compositionnel de l’EF.

1.2 Les procédés d’inversion

Un autre niveau de modification, avec des conséquences importantes sur l’interprétation du sens global des expressions, est constitué par des procédés d’inversion qui impliquent soit le remplacement d’un constituant par son contraire (variation par antonymie), soit la modification du statut assertif, soit l’interversion des constituants.

La variation par analogie antonymique représente un moyen non négligeable de néologie phraséologique et s’avère le procédé d’inversion le plus utilisé dans le discours journalistique. Certaines unités se prêtent particulièrement bien à ce type de transformation comme the best of both worlds, à partir de laquelle a été créée (2) the worst of both worlds qui, a priori, ne présente pas de difficultés particulières de décodage, notamment en français où l’EF de départ a bien un équivalent.

Le deuxième procédé est illustré ici par la transformation de l’expression lightning does not strike twice qui change son statut assertif dans l’actualisation (8) have lightning strike twice. La nouvelle variante discursive se distingue aussi de la forme canonique sur le plan syntaxique par le mode d’insertion dans l’énoncé, puisque l’on passe d’un énoncé complet de type parémique à une imbrication dans une structure verbale causative en have. L’accumulation à nouveau de plusieurs mécanismes de variation met en péril le décodage, l’interprétation et la traduction de ces transformations stylistiques.

En troisième lieu, l’interversion de deux éléments symétriques sur l’axe syntagmatique dans une EF peut aussi faire basculer de façon brutale le sens métaphorique. Un exemple prototypique consiste en l’interversion des adjectifs : à partir de an iron fist in a velvet glove, l’actualisation donne lieu à (6) his velvet fist in an iron glove.

1.3 Le défigement des unités phraséologiques

L’une des conséquences les plus saillantes de certains processus de variation sur les unités phraséologiques est représentée par le phénomène de défigement qui « consiste à ouvrir des paradigmes là où, par définition, il n’y en a pas » (Gross 1996 : 20).

Ces nouvelles formations ne sont pas considérées comme de véritables variantes de la forme canonique mais plutôt comme ad hoc variations ou ad hoc transformations (Moon 1998 : 124), c’est-à-dire des manipulations opérées sur des suites figées avec le seul but de produire un effet stylistique particulier. Ce sont, dans la plupart des cas, des procédés stylistiques – modifications lexico-phrastiques, parmi lesquelles la substitution lexicale ou l’inversion de l’ordre des constituants – qui produisent des effets de type humoristique, sarcastique, évaluatif, etc. Cela se produit en (7) où la deuxième partie du proverbe while the cat’s away, the mice will play a été modifiée en the mice were duller than ever.

Un cas particulier de défigement est représenté par la syllepse phraséologique, une figure de rhétorique qui consiste à utiliser un mot ou un groupe de mots avec leurs sens dits traditionnellement propre et figuré en même temps. En réalité, il s’agit d’un phénomène par lequel sont évoquées deux ou plusieurs acceptions d’une unité monolexicale ou polylexicale par l’agencement de cette unité dans son contexte. La syllepse implique une remotivation de la séquence et de son sens compositionnel, comme l’illustre notre exemple (1) : tying their hands in red tape où deux EF sont articulées : to tie somebody’s hands (aux sens propre et figuré « lier les mains de qqu’un ») et red tape (littéralement « scotch rouge », mais au sens figuré « paperasserie »).

2 Expressions figées et problèmes de traduction

Différentes réalisations des EF et leurs traductions sont traitées dans la littérature de spécialité. Dans le volume Traductologie, proverbes et figements (2009), les éditeurs, Michel Quitout et Julia Sevilla Muñoz, réunissent des études qui abordent la question dans une perspective multilingue à la fois du point de vue du traitement des EF dans les dictionnaires et des solutions apportées par les traducteurs à partir d’études de corpus. Ballard (2009) et Wecksteen (2009) y exposent chacun la problématique de la traduction des proverbes anglais-français, les cas de figure pouvant intervenir dans les choix de traduction et leurs implications textuelles.

Dans une perspective similaire, Jamet (2003) théorise la traduction de la métaphore dans les idiomes, notant que les choix de traduction passent non seulement par l’interprétation dans la langue de départ et l’identification de l’équivalent dans la langue d’arrivée, mais aussi par la prise en compte de la valeur de la métaphore dans le texte – valeur cognitive, attirant une équivalence directe, ou valeur informative, permettant une « restitution sémantique » (Jamet 2003 : 135).

Delesse (2001) s’intéresse de plus près à un sujet qui rejoint notre problématique ici, celui de la traduction des EF détournées dans un genre particulier, la BD, où la variation de la forme a un rôle ludique fortement dépendant du contexte, ce qui bloque régulièrement l’emploi de la forme équivalente afin de faire fonctionner ensemble jeux de mots, EF et contexte.

Tous les auteurs s’accordent sur la difficulté de la traduction des EF, conservées telles quelles ou modifiées. Les traducteurs professionnels eux-mêmes ne sont pas à l’abri des erreurs de calque (Wecksteen 2009 : 216) ou des maladresses notamment dans le cas des proverbes défigés, cités « de façon indirecte, sous forme d’allusion » (Ballard 2009 : 47). Comme le souligne Ballard (2003), le problème de départ de l’« idiome » (forme figée) est celui de sa lisibilité pouvant aller graduellement d’un sens « direct, littéral » (absence de métaphore) à un sens opaque en passant par un « sens déductible ». Le problème de la lisibilité se pose pour un natif, qui peut ne pas avoir emmagasiné toutes les EF de sa langue, et d’autant plus pour un étranger, et a fortiori pour un étudiant au moment de la traduction.

L’exigence qui pèse sur le traducteur, selon Vinay et Dalbernet (1977 : 252), est « une bonne connaissance du ‹répertoire› » des EF des deux langues pour établir l’équivalence. De son côté, Ballard (2003, 2009) insiste sur le fait que la traduction des EF ne peut pas être « une sorte de traduction automatique fonctionnant par substitution de blocs figés » (Ballard 2003 : 180), un simple « travail de mémoire », une reprise en traduction d’équivalents pré-établis entre deux communautés linguistiques, mais implique des interventions de l’auteur sur le matériel linguistique relevant de stratégies particulières en lien avec la fonction de l’EF dans le texte de départ. La forme figée utilisée en contexte n’est donc pas une simple citation et la traduction doit ainsi s’y adapter d’autant plus que les variantes proposées par les dictionnaires peuvent être « plates sur le plan stylistique » (Ballard 2009 : 45).

L’équivalence à mettre en place est donc un travail complexe, sollicitant la créativité du traducteur et cela d’autant plus en l’absence d’équivalence ou lors de la variation formelle sur les EF en contexte. Des procédés différents (Ballard [2009] ; Jamet [2003] ; Wecksteen [2009]) se distinguent pour maintenir les métaphores ou les sens figurés : la traduction littérale lorsque l’équivalent existe, un idiotisme utilisant des termes similaires/analogues, un changement de métaphore. Une démétaphorisation ou une traduction sémantique peuvent également fournir une équivalence, cette fois-ci avec une perte d’image. Ces choix sont néanmoins faits en tenant compte du contexte.

Dans les traductions que nous avons proposées de nos exemples, données à titre indicatif, les procédés cités ci-dessus ont été appliqués, avec plusieurs solutions dans certains cas. Nous avons gardé une image, lorsque cela était possible, qui puisse à la fois répondre au contexte et s’y insérer de façon cohérente. Le tableau 1 décrit et résume les choix envisagés, qui nous servent de repère dans l’analyse des productions des étudiants, selon les difficultés en jeu.

3 Paramètres de l’étude

Dans toutes les études sur les EF, la maîtrise des langues et la connaissance du phénomène phraséologique des EF constituent des pré-requis pour la traduction au-delà de la prise en compte de la valeur de leur emploi contextuel. Dans le cas des étudiants de licence sur lesquels nous avons choisi de cibler notre étude, la compétence phraséologique est généralement peu développée et la prise de conscience quant aux EF limitée. La problématique de l’analyse des traductions des étudiants est donc fortement différente de celle des études contrastives mentionnées plus haut. Nous avons fait l’hypothèse que, par sa complexité, cet exercice pouvait contraindre les étudiants à entreprendre chacune des démarches qu’ils délaissent parfois en traduisant : l’analyse et la compréhension du texte, l’utilisation des dictionnaires afin d’identifier l’EF et de constater la modification qu’elle a subie et enfin l’exploitation du contexte afin de proposer la traduction la mieux adaptée.

3.1 Encadrement de l’étude

Nous avons choisi 13 exemples tirés de la presse anglo-saxonne où nous avons souligné les phrases contenant des EF modifiées selon les variantes présentées dans la section 1. Nous les avons soumis à deux groupes de 14 étudiants respectivement de deuxième et de troisième année de l’Université de Poitiers dans le cadre d’une formation orientée vers les échanges interculturels, Langue, Traduction et Médiation Interculturelle. Le rapport à la traduction et aux problèmes spécifiques du contraste anglais-français est sensiblement différent pour les deux groupes. Le groupe de Licence 2 (L2) venait après une première année d’enseignement général de la traduction par le thème et la version, où les spécificités des langues ont pu être abordées dans le cadre restreint de cet exercice. Le groupe de Licence 3 (L3) avait en revanche bénéficié, en plus des exercices de thème et de version en première et deuxième années, d’un cours spécifique d’approche contrastive où la question des EF avait été présentée à la fois dans le cadre général des procédés de traduction et dans le cadre spécifique des problèmes de lexique qui se posent en traduction. Ils ont également été initiés à une réflexion sur la traduction par rapport aux différentes problématiques concernées par le contraste entre les deux langues (faux-amis, expressions figées, dérivation, composition, etc.). Nous tiendrons compte de la différence entre les deux groupes afin de déterminer si elle a un impact sur leur approche de la traduction.

Par rapport au questionnaire, au moment de la soumission des phrases, aucune indication n’a été donnée sur leur problématique spécifique. S’agissant d’un exercice en dehors des cours, la consigne indiquait des éléments généraux pour aborder la traduction, sans pour autant en influencer les choix, à savoir l’utilisation du contexte pour la compréhension du sens, l’emploi de ressources générales (dictionnaires unilingues et bilingues), de dictionnaires spécialisés et le recours à des recherches ou des ressources en ligne, librement exploitables. Chaque exemple a été également suivi de quatre questions interrogeant la démarche des étudiants et demandant des précisions sur l’utilisation des ressources, sur les difficultés rencontrées, sur l’utilisation du contexte, ainsi que des commentaires supplémentaires. À la fin, des « remarques générales » étaient attendues de la part des étudiants sur l’ensemble des exemples, sous la forme de réponses à deux questions :

Y a-t-il un phénomène particulier qui est illustré dans les phrases proposées ? Pouvez-vous le nommer/caractériser ?

Y a-t-il une approche particulière que vous avez adoptée dans la traduction à travers ces exemples ?

3.2 Perspectives générales sur les pratiques de traduction

Le tableau 2 résume l’utilisation des dictionnaires et l’identification des phénomènes en jeu, à partir des réponses aux questions posées.

Les deux groupes d’étudiants ont généralement fourni des réponses dans les différentes rubriques qui suivaient chaque exemple, mais ces réponses ne sont pas toujours pertinentes ou exploitables. Ainsi, peu de réponses désignent de façon claire l’impact du contexte sur la traduction, les étudiants confirmant ou infirmant simplement son utilisation. De même, les difficultés de chaque phrase n’ont pas été désignées ou bien l’ont été de façon vague (« expressions difficiles »). Les réponses ont également été variables selon les phrases et nous pourrons en tenir compte lors de la discussion de certaines traductions. Nous pouvons nous poser la question de savoir si le manque de réponse signifie véritablement que l’expression n’a pas été identifiée en tant qu’unité ou bien s’il s’agit d’une négligence ou d’un oubli.

En revanche, un grand nombre d’étudiants ont mentionné de façon systématique les ressources utilisées pour chaque phrase (Tableau 2). En général, les étudiants ont favorisé les ressources en ligne ou informatisées (dictionnaires Reverso, WordReference, Robert & Collins, Longman, Harrap’s, Linguee, Google Translate[3]). Seul un étudiant en L2 et deux étudiants en L3 ont mentionné l’utilisation des ressources pour moins de la moitié des phrases 7/13. Les ressources utilisées varient également d’une phrase à l’autre dans beaucoup de copies, suggérant une adaptation en fonction des difficultés. Ceci représente des aspects positifs du point de vue pédagogique et aussi, selon nous, une preuve que la présence d’EF constitue une garantie importante d’utilisation des ressources si l’on tient compte du fait que souvent dans les cours de traduction les étudiants négligent cet aspect, malgré la présence de difficultés lexicales.

Tableau 1:

EF modifiées et procédés de traductions

Expression

Procédés de traduction

Traduction littérale

Changement/ajout de métaphore/image

Traduction sémantique

tying their hands in red paper (1)

écraser/noyer sous une montagne de paperasse

pieds et poings liés par la paperasse

paperasse

the worst of both worlds (2)

le pire des deux mondes

combiner tous les désavantages

bang the human rights drum (3)

mettre en avant/plaider /militer en faveur des droits de l’homme

a glass ceiling to be smashed (4)

un plafond de verre à briser

une barrière visible à franchir

un motif de discrimination sociale/un handicap racial insurmontable

belt-tightening (5)

se serrer la ceinture

his velvet fist in an iron glove comes down always too late (6)

une main de velours dans un gant de fer

taper du poing sur la table… une main de velours dans un gant de fer

while the cat’s away, the mice were duller than ever (7)

pendant que le chat n’était pas là

les souris ne dansaient pas

have lightning strike twice (8)

la chance va lui sourire une deuxième fois/un deuxième coup de chance

sent me sailing up on to Cloud Nine (9)

envoyer voguer vers les nuages/au septième ciel

top-of-the head (10)

à la légère

improvisé

turn back the moral clock (11)

revenir au bon vieux temps de la moralité

remettre les pendules de la morale à l’heure

revenir en arrière en matière de morale

a circle that cannot be squared (12)

c’est la quadrature du cercle

problème insoluble

may have his blond feathers ruffled (13)

ne verrait pas d’un très bon œil

n’apprécierait pas

Tableau 2:

Informations sur les pratiques des étudiants

Utilisation des ressources au moins pour 7 phrases/13

Identification des expressions (figées) comme phénomène récurrent

Approche particulière de la traduction

L2

L3

L2

L3

L2

L3

13/14

12/14

5/14

12/14

5/14

12/14

Tableau 3:

Évaluation des traductions

Moyennes de bonnes traductions

Expression figée L2

Expression figée L3

Nombre détaillé de bonnes traductions/14 L2

Nombre détaillé de bonnes traductions/14 L3

7 à 14

belt-tightening (5)

belt-tightening (5)

14/14

14/14

red tape

red tape

11/14

12/14

glass ceiling to be smashed (4)

glass ceiling to be smashed (4)

8/14

8/14

the worse of both worlds (2)

the worse of both worlds (2)

7/14

7/14

sent me sailing on Cloud Nine (9)

9/14

while the cat’s away (7)

9/14

a circle that can’t be squared (12)

8/14

1 à 6/14

have lightning strike twice (8)

have lightning strike twice (8)

6/14

6/14

while the cat’s away (7)

5/14

sent me sailing on Cloud Nine (9)

5/14

his velvet fist in an iron glove (6)

his velvet fist in an iron glove (6)

3/14

5/14

bang the human rights drum (3)

bang the human rights drum (3)

1/14

4/14

turn back the moral clock (11)

turn back the moral clock (11)

2/14

4/14

have his blond feathers ruffled (13)

4/14

while the cat’s away, the mice were duller than ever (7)

3/14

top-of-the-head (10)

top-of-the-head (10)

2/14

1/14

tying their hands in red tape (1)

2/14

his velvet fist in an iron glove comes down (6)

his velvet fist in an iron glove comes down (6)

1/14

1/14

0/14

tying their hands in red tape (1)

0/14

a circle that can’t be squared (12)

0/14

have his blond feathers ruffled (13)

0/14

while the cat’s away, the mice were duller than ever (7)

0/14

Néanmoins, au vu des solutions proposées, l’utilisation des dictionnaires reste un point à améliorer et cela confirme en partie les observations que nous pouvons faire en cours sur les difficultés des étudiants à bien les utiliser, à correctement chercher les expressions idiomatiques ou les collocations en particulier, à confronter les solutions proposées dans les dictionnaires bilingues avec les emplois dans les dictionnaires unilingues des deux langues et avec le contexte. Le recours aux dictionnaires français reste ainsi très limité (le dictionnaire Larousse est mentionné dans uniquement deux copies de L2 pour seulement quelques traductions), alors que cela aurait pu avoir une influence positive sur la cohérence de beaucoup de traductions où la confusion sur le sens des EF proposées en français est importante.

Il n’y a pas de différence majeure entre L2 et L3 au niveau de l’emploi des ressources, ce que pourraient suggérer les solutions globalement meilleures proposées par les étudiants de L3. En revanche, le décalage entre les deux groupes intervient dans la réflexion sur la traduction (Tableau 2). Moins de la moitié des étudiants L2 (6/14) ont répondu au questionnaire final sur l’existence d’un phénomène récurrent dans les phrases proposées et sur leur éventuelle stratégie de traduction. Seules cinq réponses ont fait référence, bien que de façon peu développée et assez vague, à la problématique en mentionnant « expressions » et en évoquant la recherche d’une expression équivalente en français comme stratégie de traduction. Les réponses des L3 sont en revanche beaucoup plus précises, désignant le phénomène récurrent comme « expressions idiomatiques ou imagées » ou « images » et en revenant de façon plus détaillée sur les stratégies mises en place : éviter les traductions littérales, faire attention au contexte, comprendre le sens de la phrase et de l’extrait pour proposer un équivalent. A l’intérieur même des copies, les étudiants de L3 se sont interrogés sur la justesse de leur traduction ou ont désigné clairement certaines expressions comme représentant une unité et étant difficiles à saisir. Leur entraînement à ce type de réflexion lors des cours d’approche contrastive explique, sans doute, cette différence d’approche entre les deux groupes et pourrait, en partie, expliquer la différence de résultats.

4 Les traductions : influence du français

Nous faisons l’hypothèse que le facteur principal qui influence le choix de traduction et qui amène à la fois une bonne équivalence ou un écart avec la langue de départ, est la présence dans l’EF initiale en anglais d’un ou plusieurs termes qui peuvent se retrouver dans des EF en français. Ce facteur oriente selon nous les recherches dans les dictionnaires, les étudiants privilégiant cette ressemblance au détriment de la prise en compte du contexte et de la cohérence de la phrase ainsi traduite dans son ensemble.

Dans le tableau 3, nous avons répertorié le nombre de bonnes traductions que nous avons évaluées en tant que telles si le sens de l’expression anglaise était rendu, que ce soit par une autre expression équivalente ou par une explicitation ou démétaphorisation. Nous n’avons pas tenu compte ici de certaines erreurs grammaticales (erreur de conjugaison) ou d’orthographe qui pouvaient apparaître, le but étant d’évaluer la traduction du sens de l’EF. Dans la première colonne, nous avons inscrit le nombre de bonnes traductions des 14 EF selon qu’il s’agissait de plus de la moitié (7 à 14), de moins de la moitié (1 à 6) ou d’aucune. Les expressions figées qui sont concernées par ces traductions sont indiquées dans les deux colonnes suivantes pour les étudiants respectivement de L2 et de L3. Enfin, les deux dernières colonnes précisent de façon détaillée le nombre de bonnes traductions par niveau de licence pour chaque expression figée.

L’insertion de la traduction de l’EF dans le reste de l’énoncé ne posait pas de problème particulier à la traduction de l’EF même, sauf dans quelques cas. En (6), his velvet fist in an iron glove comes down always too late, la collocation de la variante inversée de l’EF avec le verbe come down nous semble faire aussi partie de la variation même de l’EF jouant sur le sens propre de l’expression. La mise en contexte en français représente un élément de complexité et de difficulté pour la traduction de l’EF. Nous avons par conséquent distingué dans notre évaluation d’une part, la traduction de l’expression et d’autre part, l’ensemble de l’énoncé. En (5), le quantifieur its fair share of et plus particulièrement l’adjectif fair portant sur l’EF belt-tightening n’ont pas été traduits de façon satisfaisante, mais le problème relevait ici plus d’une maladresse de traduction que d’un problème lexical de collocation avec l’EF, nous avons donc évalué uniquement la traduction de l’EF. Enfin, dans le proverbe « défigé », (7) while the cat’s away, the mice were duller than ever, nous avons choisi d’évaluer la première partie de l’EF séparément, en plus de l’ensemble de l’énoncé, en considérant que sa traduction par l’équivalent français quand le chat n’est pas là constituait une preuve de l’identification de l’EF, et que pour la suite, la traduction devait prendre en compte le contexte, tout en envisageant l’adéquation de l’expression de départ.

4.1 Les bonnes traductions : entre hasard du calque et choix réfléchi ?

Trois expressions seulement sont traduites de façon correcte par les deux groupes, avec un bon équivalent dans plus de la moitié des cas : (5) belt-tightening, (4) glass ceiling to be smashed et (2) the worse of both worlds. Ce que ces expressions ont en commun dans la perspective de la traduction, ce n’est pas le type de modification de l’EF, mais la correspondance presque directe avec le français.

Malgré le changement grammatical, (5) belt-tightening reste transparent et renvoie à l’expression française se serrer la ceinture, très répandue dans le registre journalistique, mais aussi familial, d’où la traduction directe, se serrer la ceinture ou la démétaphorisation : restriction, austérité. C’est bien la seule expression qui soit correctement traduite par l’ensemble des étudiants.

(4) Glass ceiling to be smashed et (2) the worse of both worlds permettent une traduction littérale. Six traductions sur huit en L2 et cinq sur huit en L3 ont en effet utilisé en (4) l’équivalent plafond de verre suivi du verbe briser, sans que l’on puisse estimer si le sens exact est bien connu.[4] Le reste des traductions satisfaisantes a explicité le sens : barrière sociale à franchir. Les erreurs des autres traductions se situent soit au niveau de la collocation : un plafond de verre à fracasser, soit au niveau de glass ceiling : glace/vitre/toit de verre (3 traductions/28), ce qui montre une défaillance dans la consultation des ressources.

Le problème de la traduction littérale de the worse of both worlds se pose dans les mêmes termes que pour le cas précédent : on ne saurait dire si la pire des solutions correspond réellement à une reconnaissance de l’EF the best of both worlds et de l’expression française équivalente le meilleur des deux mondes. On notera que les quatre traductions littérales ont été proposées uniquement par le L2. Les autres traductions ont explicité le sens sans utiliser d’image : le pire/la pire chose qui puisse arriver, la pire des solutions. Les erreurs de traduction sont dues à une traduction littérale où monde, sous l’influence du contexte, prend un sens concret : le pire pour les/nos deux mondes.

Le reste des traductions avec plus de sept bonnes solutions est proposé uniquement par les étudiants de L3. Nous les étudions en parallèle avec les choix du L2 afin d’envisager les problèmes spécifiques posés.

Dans le cas de sent me sailing on Cloud Nine (9), les expressions françaises équivalentes, utilisant la même image, ont été proposées : m’envoya sur mon petit nuage/voler jusqu’au septième ciel. Il nous semble que c’est bien ce rapprochement qui peut expliquer les bonnes traductions et la prise en compte de l’EF en anglais. Il peut paraître surprenant, au contraire, que seuls six étudiants sur quatorze en L2 aient trouvé l’équivalent français. Le contexte peut y avoir joué un rôle dans la mesure où il ne donne pas assez d’éléments pour orienter le sens de la traduction d’autant plus que, et c’est bien là que semble se trouver le problème pour les étudiants, Cloud Nine est écrit avec des majuscules, comme pour un nom propre, sans doute pour renforcer l’idée de joie extrême de l’expression. Les étudiants n’ont pas saisi cette nuance et toutes les traductions erronées ont gardé Cloud Nine tel quel en français. Dans ce sens, on notera aussi que seul un étudiant en L2 a mentionné trouver une difficulté au niveau de l’EF. Est-ce qu’un contexte plus explicite aurait pu davantage aider les étudiants à identifier l’expression, notamment étant donné le rapprochement avec le français, ou aurait-il suffi d’enlever les majuscules ? Il nous semble néanmoins que c’est bien la prise en compte du contexte, peu exploité par les étudiants, qui est en cause.

Le décalage le plus important entre les étudiants de L2 et L3 se produit pour la traduction de l’expression a circle that can’t be squared (12) avec respectivement zéro et huit bonnes traductions. Le rapprochement avec des expressions/collocations en français contenant le mot cercle influence à la fois les bonnes traductions, un cercle vicieux (7/14 bonnes traductions), et les erreurs, un cercle qui ne peut pas être carré (7/14 en L2, 2/14 en L3), un cercle sans fin/qu’on ne peut quitter (4/14 en L2, 1/14 en L3). Trois traductions ont proposé une explicitation de l’EF, dont une correcte, c’est un problème qui semble insoluble, et deux autres inadaptées car soit inexactes en contexte (on ne peut apparemment rien faire pour redresser la situation L2) soit représentant un contre-sens (une affaire qui semble bien d’être résolue L3). Seul un étudiant a signalé en L2 la difficulté de la traduction, et deux en L3. Encore une fois, il se pose la question de savoir s’il s’agit d’une négligence dans les réponses, ou si leur absence est révélatrice du fait que les étudiants, notamment en L2, n’ont pas identifié l’EF. Certes, des traductions telles que un cercle sans fin/qu’on ne peut quitter ne sont pas complètement éloignées du sens, mais nous ne les avons pas prises en compte comme bonnes solutions car inexactes par rapport au contexte. Ces deux derniers cas montrent un manque de recul des étudiants sur leur propre production, associé à une absence de contextualisation suffisante, ce qui aurait pu leur faire saisir l’incohérence ou l’inadéquation de leur solution.

4.2 Équivalences réduites : entre la mauvaise influence du français et l’opacification de l’équivalent

Parmi les traductions avec moins de sept solutions acceptables proposées par au moins l’un des deux groupes ou les deux, on peut noter qu’il s’agit d’EF qui n’ont pas d’équivalent littéral (comme les trois premiers cas précédents) ou analogue (comme be on Cloud Nine ou a circle that can’t be squared) en français : have lightning strike twice, bang the human rights drum, turn back the moral clock, top-of-the-head, have his blond feathers ruffled, et que, de plus, la modification de l’EF de départ ajoute une difficulté supplémentaire à la traduction et à l’identification : bang the human rights drum, turn back the moral clock, top-of-the-head. Un deuxième cas de figure dans le groupe des phrases recevant peu de traductions exactes correspond à : his velvet fist in an iron glove comes down always too late, while the cat’s away, the mice were duller than ever, tie sb’s hands in red tape. Ici, la modification apportée aux EF de départ et le jeu de mots ont pu dérouter les étudiants qui n’ont pas réussi à saisir et/ou à rendre un jeu similaire sur des expressions pourtant équivalentes en français.

4.2.1 Absence d’expressions analogues ou équivalentes en français

Les EF lightning never strikes twice, bang the drum, turn back the clock, ruffle sb’s feathers et off the top of one’s head ont comme trait commun d’évoquer des EF en français contenant un des termes de l’anglais (soulignés ci-dessus) et de ne pas pouvoir être traduites littéralement sans que cela ne mène à des faux-sens ou à des non-sens, comme nous allons le constater. En contexte, la modification lexico-grammaticale ne bloque pas, à notre avis, l’identification de l’EF de départ avec l’appui des dictionnaires, excepté dans le cas de top-of-the-head avec la suppression d’un de ses éléments, et de have his blond feathers ruffled à cause de l’accumulation de changements grammaticaux et lexicaux.

Les erreurs nous semblent particulièrement instructives à l’égard de la démarche des étudiants et de la façon dont nous pouvons l’améliorer.

bang the human rights drum (3) : frapper un grand coup de tambour, frapper sur le tambour des droits de l’homme, sonner les tambours, tirer la sonnette d’alarme, faire du bruit, sonner le glas, faire du battage.

Les traductions proposent une variation autour des références à du bruit en général (faire du bruit), ou plus spécifique (tambour, glas), avec la mise en place d’un sens métaphorique, mais conduisant à chaque fois à l’emploi de faux-amis phraséologiques, qu’il s’agisse de sonner le glas (annoncer la fin de…) ou de sonner, frapper les tambours (qui se rapproche de battre le tambour : faire une annonce/un signal sur un tambour). D’autre part, faire du battage constitue un faux-ami stylistique ayant une connotation négative (publicité excessive et tapageuse). Pour cette expression, les étudiants ont signalé la présence de difficultés (8 fois/14 en L2, 13/14 en L3) et mentionné l’utilisation des dictionnaires, ce qui peut indiquer que malgré leurs efforts, l’expression leur a posé problème. Il nous semble que les étudiants pourraient rencontrer les mêmes difficultés avec l’EF de base bang the drum en raison d’une fausse apparence de transparence et d’équivalence avec battre le tambour. Si cette tendance peut bien exister, l’amélioration de la traduction peut passer par une remise en question par les étudiants de leur choix en le confrontant au contexte, ce qui ne semble pas s’être produit ici. Les traductions correctes sont passées par une explicitation : s’intéresser plus vivement aux droits de l’homme, ramener les droits de l’homme sur le devant de la scène.

turn back the moral clock (11) : revenir sur/à l’horloge morale, retourner/remonter l’horloge morale, remonter dans le temps de l’horloge morale, remonter l’horloge morale du temps, renverser l’horloge morale, remonter le temps de la morale ; faire marche arrière en ce qui concerne les principes moraux.

On constate ici que l’insertion de l’adjectif moral n’a pas été comprise, alors même que l’expression turn back the clock ne semble pas tout à fait inconnue aux étudiants au vu des solutions proposées. La combinaison de ces deux facteurs et l’influence des collocations du français résultant de la traduction de turn back the clock en contexte, à la fois remonter le temps (équivalent) et remonter une horloge (faux-ami résultant de la traduction littérale), a bloqué ici la mise en contexte correcte de l’expression, amenant des combinaisons de l’EF française remonter le temps, et de ses variantes revenir à, avec la reprise littérale de moral clock. Faire marche arrière en ce qui concerne les principes moraux utilise une EF, mais dont le sens est contradictoire par rapport à l’anglais. Encore une fois, on constate une tendance à choisir pour la traduction des EF françaises partageant un ou plusieurs constituants avec l’EF en anglais, donnant lieu à des calques ou à des sens non appropriés.

Les traductions suivantes regroupent les erreurs et les difficultés des cas précédents :

have his blond feathers ruffled (12) : se faire dresser sur sa tête ses mèches blondes, les plumes blondes de Raikkonen aurait [sic] été ébouriffées, rebrousser les poils de Raikkonen, Raikkonen pourrait avoir sa crinière blonde/son plumage blond/ses plumes blondes/ses cheveux blonds ébouriffé(e)(s), se faire voler dans les plumes, si blondes soient-elles, hérisser les plumes blondes de Raikkonen.

La modification grammaticale a, selon nous, une influence limitée sur la difficulté de la traduction, l’emploi causatif n’ayant pas posé problème, en général ; en revanche, l’insertion de l’adjectif blond a, comme dans le cas précédent, dérouté les étudiants. Le verbe ruffle est, d’après nous, moins connu que turn back dans l’exemple précédent, ce qui a dû amener les étudiants à consulter les dictionnaires et à constater le sens propre (ébouriffer) et figuré de ruffle (le second dans la combinaison avec feathers : froisser). Cependant, ce qui a motivé le choix des étudiants, selon les erreurs de traduction, semble encore être le rapprochement de ruffle sb’s feathers avec des expressions en français utilisant des images similaires (plumes, poils, cheveux) mais dont le sens ne correspond pas à l’anglais : faire dresser les cheveux sur la tête signifie « provoquer la stupéfaction » ; faire dresser les poils sur/les poils de quelqu’un se dressent, se hérissent : (faire) éprouver de l’exaspération, de l’horreur, de la peur ; voler dans les plumes à/de qqn : attaquer brusquement, infliger une correction à.[5] En plus de ce rapprochement avec le français, l’insertion de blond avec un sens dénotatif (contrairement au groupe verbal) a rendu les choses compliquées pour les étudiants, ce qui a pu entraîner une traduction peu acceptable alors même que le sens du verbe a été identifié : avoir ses plumes blondes froissées par l’arrivée de… (L2). Seuls les étudiants de L3 ont proposé des traductions acceptables en effaçant l’effet ludique introduit par blond et en utilisant un équivalent sémantique être offensé, offensé. Deux traductions ont introduit un changement de point de vue, mais avec un sens qui ne correspond plus exactement à l’anglais : se sentir menacé, se faire des cheveux blancs, mais ces choix nous paraissent néanmoins montrer un effort de se dégager d’une traduction littérale tout en essayant de saisir la subtilité de l’expression.

Seules trois traductions correctes ont été proposées pour top-of-the-head : il n’y a rien de fortuit/d’inventé, il n’y a aucune improvisation. Nous considérons que la suppression de off de l’EF initiale a bloqué sa recherche correcte dans les dictionnaires et a ainsi mené à des traductions qui offrent une interprétation – fortuite – de l’anglais soit métaphorique : il n’y a rien de plus intello/d’élitiste/d’intelligent/de sorcier/d’important/de primordial/de plus haut-de-gamme, soit littérale : il n’y a rien au-dessus de la tête de ce que M. Hain a dit/au-dessus de la tête par rapport à ce que M. Hain a dit/rien de tête de parti [sic] à propos de ce que M. Hain a à dire.

Parmi les traductions peu acceptables proposées dans les deux langues, have lightning strike twice se rapproche néanmoins du seuil de 7 avec 6 bons choix dans chacun des deux groupes. Par rapport aux exemples évoqués jusqu’ici, l’EF lightning never strikes twice a été modifiée d’un point de vue assertif, ce qui laisse la possibilité d’être identifiée dans les dictionnaires, et a en commun avec les autres exemples précédents l’absence d’un équivalent littéral en français. Néanmoins, elle se distingue nettement des exemples précédents par le fait que dans les solutions proposées la tentation d’utiliser une image en français avec un des termes de l’anglais (lightningfoudre) a été moins systématique : avoir un coup de foudre a été proposé deux fois. Les solutions inacceptables ont repris littéralement les mots de l’anglais : être foudroyé, frappé/touché par la foudre. Les bonnes équivalences se sont basées sur le contexte en gardant une image avec l’idée d’un événement inattendu ayant un impact fort : avoir un second coup de chance/un second coup de génie/un deuxième éclair de génie, la chance va frapper une deuxième fois, produire le coup du siècle une deuxième fois, ou en explicitant le sens : réitérer l’exploit. Parmi les traductions écartées, certaines ont proposé des solutions intéressantes, non littérales, mais qui nous ont semblé inexactes : espérer que la roue tourne à nouveau, espérer un second coup de projecteur. Malgré le nombre moins important de bonnes traductions, cet exemple nous semble indiquer le fait que le contexte est assez accessible aux étudiants et les aide à écarter une traduction littérale (la foudre frappe deux fois au même endroit), de même que la reprise d’une EF avec lightning en français (coup de foudre). Cela a sans doute déterminé les étudiants à faire des efforts au niveau des recherches dans les dictionnaires et de l’adaptation au contexte, aidés par le fait que la modification apportée à l’EF de départ n’ajoute pas de difficultés majeures à la compréhension. Ce n’était pas le cas précédemment et cela l’est encore moins dans les trois derniers exemples.

4.2.2 Équivalents en français détournés par le jeu de mots

Trois expressions ont des équivalents directs en français : an iron fist in a velvet glove : une main de fer dans un gant de velours ; while the cat’s away, the mice will play : quand le chat n’est pas là, les souris dansent, et to tie sb’s hands : lier les mains de quelqu’un. Néanmoins les EF modifiées figurent parmi celles qui reçoivent le moins de solutions acceptables. C’est à la fois leur contextualisation et les modifications subies qui nous semblent être en cause, et produire, de façon paradoxale dans certains cas, une absence de traduction littérale pourtant privilégiée, à mauvais escient, dans les cas précédents.

Tying their hands in red paper est un cas complexe de syllepse, articulant deux expressions. La moins transparente en français, red tape, a pourtant été correctement traduite (11 fois/14 en L2, 12/14 en L3) par bureaucratie, paperasse, paperasserie, ce qui peut s’expliquer par le fait que les étudiants ontrencontré cette expression précédemment, dans des cours de traduction et que les dictionnaires bilingues donnent systématiquement l’un ou plusieurs des traductions susmentionnées. Les traductions littérales, peu nombreuses, ont proposé ruban/scotch rouge. C’est la traduction de la première expression tie one’s hands qui a été problématique : quelques solutions (9/28) ont privilégié la traduction littérale par lier les mains de quelqu’un. Or elle est problématique d’un point de vue syntaxique, en raison justement du double jeu en anglais sur le sens propre et figuré : l’articulation en français lier les mains avec/dans/par la paperasserie paraissant pour le moins maladroite. Ce qui est plus étonnant, c’est que le sens de l’EF semble avoir échappé aux étudiants, malgré le rapprochement avec le français, proposant à la place : se plonger les mains, attacher les mains, mettre les mains dans. Les deux traductions acceptables proposent une autre image en français : faire crouler sous la paperasserie.

La première partie de l’énoncé his velvet fist in an iron glove comes down always too late avec l’EF inversée renvoie directement au français et accepterait une traduction littérale. Néanmoins seules trois traductions/14 en L2 et cinq en L3 la proposent. Dans les autres cas, il y a erreur sur l’un des éléments (fist : poing ; iron : acier) ou bien c’est l’EF équivalente dans sa forme canonique qui est proposée. Les faibles résultats dans la traduction de ce proverbe nous déterminent à envisager que la défaillance de la traduction est sans doute due à la combinaison d’une absence de maîtrise de l’EF et d’une incompréhension du rôle de la modification de la forme en contexte. L’ensemble de l’énoncé est traduit correctement seulement 3 fois/28 sa main de velours dans un gant de fer frappe toujours trop tard, dans les autres cas la collocation avec come down ayant posé problème : s’abat, s’effondre, se baisse.

Enfin, le dernier exemple a également une certaine transparence par rapport à l’équivalent français dans sa forme canonique : while the cat’s away, the mice will play. Cependant, la première partie de l’énoncé n’a pas été traduite systématiquement de façon littérale (5/14 en L2, 9/14 en L3) : lorsque le chat était ailleurs, pendant que les chats sont partis, etc. L’ensemble de la phrase n’a été traduit par un équivalent acceptable que par les L3 (3/14) : lorsque le chat n’est pas là, les souris ne dansent pas du tout/dansaient encore moins. Dans tous les autres cas, c’est le sens de dull qui a été traduit (par un verbe s’ennuyer, ou un adjectif ennuyeux/morne/triste), ce qui montre que le jeu sur la forme avec sa valeur ironique en contexte n’a pas été saisi. Nous avons ici un effet cumulé d’une certaine absence de maîtrise de l’EF et surtout de la difficulté de saisir le rôle de sa modification.

Si ce dernier exemple est particulièrement complexe, les autres cas de figure avec les bonnes traductions, mais surtout les solutions inacceptables permettent de saisir des facteurs déterminants dans les choix des étudiants : l’oscillation entre influence du français (et de ses EF, collocations) et difficulté à se détacher des termes anglais pour prendre en compte le contexte et s’y adapter, même dans les cas où les dictionnaires sont utilisés. Il est aussi évident que les étudiants ne sont pas suffisamment sensibilisés au jeu sur les expressions.

5 Conclusion

Les actualisations discursives des unités phraséologiques méritent d’être prises en compte dans l’enseignement d’une langue étrangère car, au-delà de représenter un exercice phraséologique et stylistique complexe en termes de reconnaissance et d’adaptation contextuelle, elles favorisent le travail de recherche dans les dictionnaires.

L’analyse des traductions, équivalentes, et notamment des erreurs indique la difficulté des étudiants à articuler les éléments d’un travail complexe : recherche dans les dictionnaires, confrontation des propositions du dictionnaire au contexte, auto-évaluation de la traduction. L’élément le plus frappant dans les erreurs de traduction a été l’influence du français dans le choix des traductions. Cette difficulté intervient même dans la sélection d’une traduction par rapport aux variantes présentes dans les dictionnaires : lorsque plusieurs solutions sont proposées par les dictionnaires, avec un sens propre d’un mot et figuré dans l’emploi d’une expression, ce n’est pas le contexte de départ qui semble déterminer le choix, mais bien le rapprochement possible avec une EF en français.

A partir de cet exercice, plusieurs démarches peuvent être envisagées pour aider les étudiants à améliorer leurs traductions et leur lecture critique. La nécessité d’utiliser des dictionnaires unilingues anglais semble admise par beaucoup d’étudiants, mais ils continuent à être influencés par les dictionnaires bilingues, dont la lecture reste peu critique. Il faudrait pouvoir amener les étudiants à un usage des dictionnaires unilingues français, de façon à développer chez eux le sens critique de par l’utilisation de ces trois ressources complémentaires. Il pourrait s’ajouter à cela l’utilisation de corpus ou du moins d’une ressource en ligne comme Linguee qui peut proposer des traductions différentes pour une même expression recherchée. Cela pourrait ainsi montrer aux étudiants le besoin d’adapter les solutions et les définitions des dictionnaires à l’usage du contexte.

Notre étude sur deux groupes différents d’étudiants, dont un groupe de L3 avec une expérience plus riche et plus variée de la traduction grâce à des cours orientés aussi vers la réflexion et l’analyse, nous semble montrer que la pratique de l’enseignement de la traduction pourrait évoluer. Ainsi, si l’introduction de cours spécifiques d’analyse contrastive semble problématique dans le contexte de réduction de l’offre de formation actuelle, les cours existants peuvent prendre des orientations plus variées. Dans les exercices de thème et de version, les étudiants pourraient être encouragés à évaluer mutuellement leurs traductions et à en discuter les aspects positifs ainsi que ceux à améliorer. Des heures spécifiques pourraient être consacrées à la méthodologie de l’utilisation des dictionnaires, avec une lecture critique de ceux-ci au regard des textes à traduire, appuyée, par exemple, sur l’utilisation de corpus et de concordanciers. L’introduction à la problématique des EF se ferait ainsi par ce biais, car bien que celles-ci constituent un aspect spécifique des problèmes de traductions liés au lexique, elles font partie de la question générale de l’identification et de l’approche des unités de traduction.

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Annexe[6]

1. “The government must take responsibility for driving so many experienced professionals out of the classroom by tying their hands in red tape and watering down their powers to keep order. We need to strip away the unnecessary bureaucracy and allow teachers to crack down on bad behaviour so they can deal with discipline problems before they spiral out of control.”

1’. Le gouvernement doit endosser la responsabilité d’avoir poussé tant de professeurs expérimentés à abandonner leur métier, en les écrasant sous une montagne de paperasserie et en les privant des moyens de maintenir l’ordre. /pour avoir poussé vers la sortie autant de professeurs expérimentés qui se sont retrouvés noyés sous la paperasse/pieds et poings liés à cause de la paperasse et sans moyens pour maintenir l’ordre.

2. He denounced the “hypocrisy of man-made law”. And he said the ban – which is supposed to come into force today – is “the biggest favour the British government could do us”. I fear he may be right. An ineffective ban will be the worst of both worlds, and we know that the ban is likely to be ineffective (…).

2’. Si l’interdiction ne porte pas ses fruits/n’a aucun effet, et nous savons que c’est ce qui risque d’arriver, alors nous aurons choisi la solution qui combine tous les désavantages/la pire des solutions/le pire des deux mondes.

3. More positively, the new government agencies in and around the social care sector are starting to bang the human rights drum. Denise Platt, shadow chairwoman of the Commission for Social Care Inspection, has made a particular point of stressing the body’s role in “assessing how the requirements of the legislation are being upheld in the service”.

3’. Sur un plan plus positif, les nouvelles agences gouvernementales opérant dans le secteur des services sociaux militent/plaident en faveur du respect des droits de l’homme/commencent à mettre vigoureusement en avant la question des droits de l’homme.

4. In Israel, Judaism is woven into the fabric of even the most secular life. Our day of rest, Shabbat, is Saturday. Public holidays are determined by the Jewish calendar. Our great writers such as David Grossman and Amos Oz write in Hebrew, the language of the Torah. Our Nobel prize-winning scientists hypothesise in the revived tongue of ancient Israel. Jewish individuals had enjoyed success before 1948. But through the state of Israel, for the first time in 2,000 years Jewishness was not an obstacle to be overcome, or a glass ceiling to be smashed, but a basic fact of life.

4’. Mais grâce à l’Etat d’Israël, pour la première fois en 2000 ans, le fait d’être juif n’était pas perçu comme un obstacle à surmonter, ni un plafond de verre à briser/ni une barrière invisible à franchir/ni un motif de discrimination sociale/ni un handicap ethnique, mais une réalité comme les autres.

4’’. Mais grâce à l’Etat d’Israël, pour la première fois en 2000 ans, le fait d’être juif cessa d’être perçu comme un obstacle ou un handicap racial insurmontable et devint une réalité comme les autres.

5. Peter Mandelson, the business secretary who is in charge of universities, accused the principals of “gross exaggerations” and “extreme language”, but would not be drawn over whether he would make further cuts to higher education. Universities had to do “no more than their fair share of belt-tightening,” he said.

5’. Selon lui, les universités devront faire leur part du travail, ni plus ni moins, en se serrant la ceinture/devront contribuer leur part à l’effort commun, ni plus ni moins, en se serrant la ceinture/Les universités auront à faire leur devoir ni plus ni moins et se serrer la ceinture.

6. Labour MPs were thrilled and relieved. Their man had won! They broke out in cheers and jeers and sheer orgasmic ecstasy. Some of them even booed, and were reproved by the Speaker, even though he had allowed them to boo Mr Howard two weeks ago when the Hutton report was published. Like a supply teacher, his velvet fist in an iron glove comes down always too late.

6’. Le président a fini donc par taper du poing sur la table, mais comme les enseignants remplaçants, il a une main de velours dans un gant de fer.

7. Jack Straw was away in Dublin – I don’t know why, a Christmas party I suppose – so we could have some fun back in London without him! Except that while the cat’s away, the mice were duller than ever. For instance, there was no mention of Iraq on the order paper. Instead MPs talked about all those places where things are also going wrong but where we have no responsibility: Qatar, Ivory Coast, Kashmir, Diego Garcia, Cameroon, Colombia.

7’. Sauf que pendant que le chat n’était pas là, les souris ne dansaient pas/dansaient moins que jamais.

8. Rowland, though inevitably a father figure, is hardly more than a decade older than Chris and has tasted early literary success in his own right. As an undergraduate, he wrote a play for the National Theatre which was successfully produced there, although nothing he wrote afterward, according to his agents, could even be given away. Now he is hoping to have lightning strike twice, by publishing a brilliant first novel. But the lightning seems to have other ideas, and with Chris on the premises, writing imperturbably on, Rowland finds it impossible to make any headway with his own manuscript.

8’. À présent il espère que la chance va lui sourire une deuxième fois/un deuxième coup de chance en publiant un premier roman à succès.

9. I had not yet told Margaret it was from Bill. It was bound to worry her, as he was still a patient and I felt she had more than enough on her plate already without my adding anything. Or, rather, that was my excuse to myself when the letter first arrived and sent me sailing up on to Cloud Nine.

9’. Ou, plutôt, c’était l’excuse que je m’étais donnée lorsque la lettre était arrivée et m’avait envoyé voguer vers les nuages/m’avait envoyé au septième ciel.

10. Mr Hain’s pamphlet, The Future Party, pays formal tribute to the wisdom and effectiveness of the top-down party structures and culture established in the 1990s. In reality, though, it is a sustained critique of the democratic centralism with which New Labour replaced the anachronistic activist and block-vote dominated party it inherited from the wreckage of the failed Bennite insurgency of the 1980s. There is nothing top-of-the-head about what Mr Hain has to say either; his pamphlet is the product of extensive online consultation and several focus-group discussions.

10’. Les affirmations sont tout sauf improvisées/M. Hain ne fait pas d’affirmations à la légère.

11. “Teenagers want to turn back the moral clock and are more reactionary than their parents,” the Daily Telegraph’s social affairs correspondent enthused. What she called “one of the most comprehensive polls of its kind” had revealed that teenagers thought there were too many abortions, wanted tougher government action on bogus asylum seekers, much preferred royalty to a republic, feared that Britain’s national identity would be sacrificed by closer integration with Europe, and were overwhelmingly hostile to joining the euro.

11’. « Les adolescents veulent revenir au bon vieux temps de la moralité/revenir en arrière en matière de morale/remettre les pendules de la morale à l’heure et sont plus réactionnaires que leurs parents », dit en s’extasiant le correspondant du Daily Telegraph pour les affaires sociales.

12. The Palestinians insist that Israel acknowledge its responsibility for the 1948 nakba and the refugee problem. For Israelis this is unacceptable because they believe it corners them into confessing to “original sin” and ultimately delegitimises Zionism and Israel. They have thus upped the ante recently by requiring that Palestinians recognise Israel “as a Jewish state”, which the Palestinians consider as tantamount to putting a stamp of approval on the loss of their homeland. This is a circle that seemingly cannot be squared.

12’. De toute évidence, c’est la quadrature du cercle/il s’agit d’un problème insoluble.

13. There is speculation that Raikkonen may have his blond feathers ruffled by the arrival of Montoya next year. It could spell the end of his dominance at Woking. “I don’t care who my team-mate is,” he says with a shrug. “I’ve talked to him a few times, like any other driver.” The Finn says he is happy with McLaren. But there are still rumours that he could move to Ferrari or Williams.

13’. Selon certaines rumeurs, Raikkonen ne verrait pas d’un très bon œil/n’apprécierait pas l’arrivée de Montoya l’année prochaine.

Raluca Nita, Université de Poitiers, Faculté de Lettres et Langues, 1 rue Raymond Cantel, 86000 Poitiers, France,

Ramón Martí Solano, Université de Limoges, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, 39E rue Camille Guérin, 87036 Limoges, France,

Published Online: 2020-12-01
Published in Print: 2020-11-25

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